Aglae ex time.

•23 janvier 2008 • Un commentaire

Aglae s’est transformée. Elle est passée de l’écriture intime et immédiate, à une écriture plus distanciée, détachée du temps, une écriture qui réfléchit depuis les sensations mais qui ne les livre plus de façon brute – même si j’ai le sentiment de perdre une part de la force poétique de l’écriture en la mettant à distance, en me mettant à distance. Se protéger, s’exposer avec violence – je ne sais pas, il faut chercher l’équilibre, et je ne suis pas sûre d’y arriver.

Aglae ex time vient d’arriver sur WordPress.

Malade.

•10 décembre 2007 • 2 commentaires

J’ajoute une dernière entrée pour expliquer un peu ce qui se passe.

J’ai cru aller mieux, mais ça n’était que pour replonger. Aujourd’hui je ne dors plus. Je m’endors à des heures impossibles même en me foutant au lit à 22h. Je mange oui mais pas le matin, je suis trop nauséeuse avant midi. J’ai fait une crise d’hystérie : poitrine griffée aux ongles, visage rouge, bouffées de chaleur, afflux de sang. Dans ma tête c’est comme si ça allait exploser. Dans mon corps aussi ça déborde. Je suis faible, il faut que tout soit doux, calme, ouaté. Pas les cris, s’il-te-plaît ne crie pas. Dans ma tête ça résonne. J’ai fait une crise d’angoisse aussi : chaleur, étouffement, sentiment de soif permanent, et soudain le froid glacial. Comme il y a trois ans , dans la nuit les crises d’angoisse, dans chaque pièce où je pénétrais les crises d’angoise, j’étouffais, je gelais, ma peau souffrait.

Alors j’ai pris rdv chez le médecin. Demain. Demain je vais lui raconter et il paraît qu’il va me donner des pilules de différentes couleurs ; pour dormir, pour être apaisée, pour me sentir plus en forme.  J’ai un peu peur des médicaments et de la junk attitude pendant quelques mois ; mais lui ça a l’air de le rassurer, comme si le médecin allait tout sauver, comme si ça le dédouanait de sa responsabilité. Je n’ai pas abîmé jusqu’à ce point le coeur d’un garçon, mais je crois que je n’aurais jamais abandonné personne. J’aurais cherché la solution avec la personne, et aux angoisses, aux peurs, aux doutes, j’aurais répondu par toujours plus de tendresse. Moi on me reproche d’être encore amoureuse. D’être encore amoureuse.

Si vous voulez la croiser la petite folle, elle court le matin à 8h sur les rues Pouchet et Cardinet jusqu’au parc Monceau, avec son petit frère, même sous la pluie, encore plus sous la pluie, pour que le corps se revigore et pour que ma tête soit rincée.

it’s over.

•4 décembre 2007 • 3 commentaires

Je ne viendrai plus écrire ici.

Peut-être travaillerai-je sur une autre forme d’écriture, sur internet ou ailleurs ; je viendrai le dire ici. Mais c’est trop tôt encore. Je ne peux simplement plus écrire. J’ai perdu la pulpe de mon écriture, j’ai perdu le souffle et le rythme, j’ai été trop agressée aussi. Si je veux redevenir calme, je ne peux plus continuer à écrire à la suite de mon histoire d’amour.

Ce sera à nouveau, ailleurs, plus tard, autrement.

A vite.

« J’espère que tu vas bien ».

•27 novembre 2007 • 3 commentaires

Un jour un garçon que j’aimais m’a dit : quand tu pleurais, quand je t’entendais pleurer, quand j’entendais ta voix, je devenais fou, je voulais me jeter dans un taxi, venir et te prendre dans mes bras. Un jour un garçon que j’aimais m’a dit qu’il serait toujours là, qu’il ne me laisserait jamais seule dans le doute et dans l’angoisse, pour que je ne cède pas à la tentation d’ouvrir mes veines. Un jour un garçon que j’aimais m’a dit qu’il tenait à moi et que cela ne changerait jamais, quoi qu’il arrive, que je serais toujours l’une des femmes les plus importantes et les plus inoubliables. Un jour un garçon que j’aimais m’a dit : je t’interdis de te tuer. Je t’interdis de te tuer et je répondrai toujours à tes appels, à tes signaux, à tes alertes. Oh et chaque jour ce garçon que j’aimais me dit aujourd’hui : j’espère que tu vas bien.

Tu n’espères rien. Ma détresse te laisse silencieux. Que mes bras saignent ou que mon corps se traîne dans la nuit des rues de Paris, 2h déjà rue Ordener et c’est un inconnu qui me dit – « ça ira mademoiselle, ça ira » – et pourquoi pas ces mots prononcés par toi ? –  que le sang hors de mes bras coulent ou que mon corps se vide – tout t’est égal.

« J’espère que tu vas bien ».
Non vraiment je ne vais pas bien.

L’inconnu me rassure.

•24 novembre 2007 • Laissez un commentaire

Je suis allée à pied de la porte de Clignancourt jusqu’à la Gare de l’Est. Pas tout à fait de mon plein gré, mais parce que le métro ne fonctionnait pas. J’avais mes chaussures vernies de petite fille modèle habillée à l’anglaise, un peu comme celles de mon hypokhâgne. Les chaussures vernies c’est une longue tradition personnelle qui remonte, d’après ce qu’en raconte Maman, à mon émerveillement devant le vernis de ma première paire de babies, alors que je tenais à peine debout. 22 ans plus tard je suis toujours contemplative devant le vernis de mes chaussures à talons.
J’ai marché boulevard Ornano et boulevard Barbès à travers les vitrines africaines et indiennes : 6 euros le kilo de pistache, des tajines ébréchées, des morceaux de tissus et des robes de mariée. Il y avait des enfants sur des trottinettes, des vélos lancés à toute allure sur les pistes cyclables et dont les sonnettes se déchaînaient à l’approche des carrefours. Depuis longtemps je n’avais pas regardé Paris avec les yeux si grand ouverts. Paris la nuit, les ponts enjambant la Seine, les vitrines décorées du Bon Marché : ça ne me parle plus. Tout est vide, ou rempli de creux. Les défilés de mode de Saint Germain des Prés ça n’est plus pour moi. Il faut que je puisse vivre dans l’indifférence des minettes parisiennes, alors oui d’accord pour parcourir Saint Germain au bras de mon amant, mais autrement je ne peux pas être seule dans une ville si figée, il faut le monde et le fourmillement et la simplicité évidente autour de moi. Paris n’est qu’une ville pour amoureux.
J’étais heureuse de marcher sous le ciel si bleu, c’était presque un signe de bon augure. Je me suis levée encore happée par un garçon qui me conquiert au travers de mes rêves. Je souriais toujours enveloppée de la même douceur retrouvée. J’avais dit que la rupture ne durerait que le temps de l’automne ; l’automne comme cimetière des cœurs brisés est terminé. L’hiver arrive. Il fait froid et mes mains sont sèches. Aujourd’hui, je vais mieux. Aujourd’hui, je me laisse remplir par les prémisses d’un désir inconnu.

Il n’y a pas de titre.

•24 novembre 2007 • Laissez un commentaire

La semaine passée sans que je l’aie vue défiler. Des heures de sommeil. Des heures à travailler. L’épuisement en bout de course et la flottaison entre tristesse et apaisement. Le manque moins flagrant. Les mots rassurants trouvés dans les bras d’une amie, dans les sourires discrets. J’ouvre les yeux, je redeviens disponible. Je suis là parmi les autres, hors des souvenirs. Se souvenir fait trop mal. Je regarde devant. Je désire. J’espère. C’est un peu vain parfois mais c’est nécessaire de repasser par ça. Réapprendre à boire du vin blanc en riant avec des amies sans avoir aux lèvres le goût de l’été. Passer devant le Flore sans jeter un oeil vers là où. Devant sont passées Nathalie et Sonia Rykiel entourées de fourrures teintes et de cols en renard, c’est idiot et c’est égal (non, ça n’est pas vrai, c’est une leçon d’élégance) mais c’est une façon de penser à autre chose. Se réapproprier les lieux et y placer de nouveaux souvenirs. J’imagine peut-être qu’une vie se construit sur de premières fondations, que les murs s’effondrent parfois mais que chaque histoire apporte plus de solidité et de résistance. Comme le limon déposé à chaque crue nourrit la terre.

Ce soir le vin blanc et trop de cigarettes allumées avec son briquet m’ont rendue malade, je me sentais lassée et épuisée – pourtant le mouvement vers l’avant, la confiance du lendemain et la légèreté insouciante, là de nouveau – et puis entre les draps de mon lit la peau douce, les cheveux entre parfum et cigarettes, le petite livre de Michele Lesbre et le sommeil doux.

En perdition.

•19 novembre 2007 • 3 commentaires

Il est 2h, je crois. Je me lève à 6h45. Il faudrait que j’écrive mon exposé d’allemand. J’écris, je bois du thé vert, je lis. Ca a l’air très bien Le Canapé rouge de Michèle Lesbre. Le jour où je créerai ma maison d’édition, je ferai des livres aussi jolis que ceux de Sabine Wespieser. Et je publierai les textes de Jérôme. Et des textes de femmes. On avait dit ça un jour avec Mathilde, qu’on publierait des textes, des dessins, des poèmes. Ca s’appellerait même les Editions du Vieux Colombier. Décidément.

C’est un peu étrange en ce moment. Je pleure sans cesse, je me sens triste et abattue souvent. J’ai dit à mon gentil chéri de ne pas venir à Paris pour me voir. J’ai dit à Guillermo qu’il faisait trop froid pour que je mette un pied dehors. Je suis bien enfermée ici. Il y a des livres. Il y a toujours Le Patient anglais pour les après-midi trop longues. Il y a du chocolat noir. Il y a Pink Floyd et Led Zep. Il y a des pulls et des écharpes en laine. Pas envie de foutre un pied dehors bon Dieu. Pourtant demain je me lèverai à 6h45, je m’habillerai bien comme il faut, j’irai bosser toute endormie, les yeux gonflés, la peau blanche, les mains et les lèvres sèches. Novembre glacial et toujours le manque de ses bras. J’aimerais ne plus être triste. J’ai moins mal. Au quotidien. Je fais tout bien comme il faut. Un peu débordée, mais bien comme il faut. Sauf que je ne suis pas très heureuse. Sauf que je pleure à chaque fois que je parle de ça. Au téléphone, dans les cafés, en parler me fait encore pleurer. Mon père est affolé depuis la nuit où il m’a vue plongée dans cette douleur. Il était 3h peut-être. J’ai dû le réveiller à force de pleurer et de crier. Il m’a vue. Assise par terre dans la cuisine. Prostrée. Nuisette, épaisseurs de laine, visage ravagé. Il a vu mes poignets rouges à force d’avoir arraché la peau. Je voulais me faire du mal. Je voulais arracher jusqu’à ce qu’il me rappelle, jusqu’à ce qu’il revienne. Je voulais savoir jusqu’à quel point aller avant qu’il ne soit là. Frotter la peau de mes ongles. C’était tout rouge. Ca commençait à saigner. C’est quoi qui fait le plus mal : la douleur dans mon ventre ou la douleur de la peau éraflée ? C’est tout pareil. C’est cette immense douleur diffuse, qui fait moins mal au quotidien, qui explose parfois dans des crises, et je ne sais pas s’il comprend, s’il comprend à quel point j’ai mal. Je ne sais même pas si mercredi il a compris. Je lance des signaux. Il ferme les yeux. Il creuse un peu plus la blessure parfois. Il ne se rend pas compte.

Je n’attends rien de lui. Attendre encore c’est s’exposer à de nouvelles déchirures. Je n’attends rien mais j’ai mal. J’ai besoin des mots de Jérôme. J’ai besoin de pleurer dans les bras de Virginie. De parler à Emilie. D’appeler Florian. J’ai besoin de tant d’alliés. J’ai pas besoin des regards des garçons. Il faudrait sans doute que je parte, que je me mette des couleurs dans les yeux, que je traîne au Grand Palais et puis dans les librairies, il faudrait que je parte m’abrutir au travers du voyage, de la perte de repères, il faudrait que j’oublie la douleur en m’attelant à d’autres constructions. J’aimerais bien partir vivre à Londres quelques mois. C’est terrible de savoir que ces possibilités là sont fermées maintenant. Noroise me retient ici. Je me souviens du jour de mes vingt ans, elle était venue vers moi avec un licol bleu, et je ne comprenais pas, pourquoi on avait sorti la pouliche de son box, et je buvais mon kir avec tout le monde sans vraiment comprendre – on m’avait tendu les papiers alors et à côté du nom de la jument : Noroise de Bremoiselle – il y avait le nom du propriétaire : Marie P. Tout le monde savait depuis des mois. Tout le monde avait tenu sa langue. Et moi j’ai rien trouvé de mieux que de me mettre à pleurer. Comme d’habitude. Comme tous les jours, presque. J’étais débordée de joie, c’était elle, c’était ma jument rêvée de toujours mais au même instant j’ai compris que je devenais prisonnière. Responsable et engagée. Partir à l’improviste, partir sans prévenir, m’enfuir un mois, deux mois, retourner vivre à l’étranger, vouloir d’autres continents – je venais d’avoir vingt ans et toutes ces choses m’étaient interdites.

Je me console en lisant Aden Arabie et en croyant Nizan qui écrit que le voyage ne guérit de rien, qu’on y retrouve la même lassitude, le même ennui, le même dégoût. Le voyage n’est qu’un écart temporaire, mais rien ne change réellement.

La douleur précise, aiguë et acide est partie. Il ne reste que la douleur diffuse, stagnante, la douleur douce. Il n’y a plus d’accroc. Il n’y a que le temps qui passe. Quinze jours qui s’en vont, et ce sera déjà mieux à ce moment-là. Il faut que j’oublie petit à petit. Que les souvenirs s’effacent. Tout est encore trop précis. J’attends que son visage devienne flou. J’attends d’être happée par quelqu’un d’autre.

L’océan pour remplir le regard.

•12 novembre 2007 • 3 commentaires

Je suis fatiguée. Je voudrais prendre une voiture, la A13, les vaches sur le bord de l’autoroute, et deux heures plus tard arriver à Trouville. Devant l’Atlantique gris, immense, les Planches sur le sable humide et les Roches noires juste derrière. Retrouver Duras, les moules, mais le marché aux poissons a brûlé il y a un an, et puis acheter des pains au chocolat pleins de beurre et s’asseoir sur la plage.

Je n’ai envie que de ça. Quitter Paris. Me remplir les yeux de l’Océan. C’est parce que j’ai vu ses photos sombres, grises, lumineuses, merveilleuses du Loch Ness. Pierres noires sur l’eau silencieuse, remous cachés, je pensais aux romans gothiques et à Carmilla, je pensais au romantisme ténébreux d’Ian Curtis. Je n’ai envie que de partir avec lui, si perdu et solitaire, son absence parmi les autres, j’ai envie de le prendre par la main et de l’emmener avec moi à Trouville, et puis rien d’autre. S’asseoir sur le sable mouillé, être silencieux.

L’éternité, et un jour.

•8 novembre 2007 • Laissez un commentaire

J’ai relu la lettre de lundi, la lettre d’amour. Je l’ai relue et je me suis aperçue que voilà, j’ai pris de l’altitude, de la distance, que j’ai commencé à mettre à l’écart les sentiments fous qui aveuglent et à reprendre possession de mon « intelligence ». De ma liberté.

La lettre est sincère. La lettre a été un acte bouleversant. La lettre engage chaque gramme de ma chair, les mots me brûlent encore le ventre. Mais j’ai écrit des choses absurdes. Des choses de femme amoureuse. Des choses qui n’ont aucun sens, des choses qui nient ma liberté et mon indépendance, des choses qui vont à l’encontre de mon émancipation et de mon affirmation. Ecrire que je ne vivais plus sans lui, c’est extrêmement vrai et sincère pour exprimer ma douleur le jour où il n’a plus été là. Plusieurs fois, lorsqu’il a dit ne plus m’aimer, je ne me suis plus sentie exister. Je ne « vivais » plus. Pourtant cet été j’ai été en permanence heureuse, enthousiaste, investie dans plusieurs projets. Je ne vivais pas « pour lui », je vivais pour moi, je vivais simplement portée par l’amour qu’il me donnait. Les mots que j’ai employés peuvent dessiner une dépendance à l’autre, une incapacité à avancer sans lui. Alors que j’ai rarement été si engagée et efficace que cet été. Je vivais seule, puisque qu’on vit toujours seule. Mon amant était rarement là. J’étais libre, autonome, et amoureuse. Très amoureuse. Mais notre relation n’a rien eu d’étouffant, d’aliénant, d’infantilisant.

Tout ne s’est pas arrêté lorsqu’il m’a quittée. J’ai continué chaque projet. Je n’ai rien abandonné. Tout ce que j’ai écrit concerne uniquement le champ fermé de notre relation. L’état de mes sentiments amoureux. Qui souvent ont pris le dessus, qui m’ont fait négligé le reste, mais il y aurait eu tant d’autres choses à écrire qui se déroulaient avec bonheur, avec énergie, avec disponibilité. Parfois la douleur amoureuse prend le pas : parfois j’ai voulu mourir – j’oubliais toutes les joies étendues devant moi. C’est lorsque l’autre s’en va qu’on constate le lien, l’attachement, la participation de l’amour dans le bien-être quotidien. C’est là que le monde s’effondre, qu’on s’enferme dans des regrets, des remords, dans la tristesse de la femme abandonnée. Lorsque O. m’a écrit pour me rappeler ces choses, lorsqu’elle m’a dit : reprends le dessus, retrouve ton intelligence, je me suis sentie blessée. Je voulais qu’on me laisse l’expérience et le temps de la douleur, de la tristesse, de la souffrance. Je voulais « vivre » ça, ma tristesse, la fin de mon histoire d’amour. Aujourd’hui, je retrouve autre chose. L’intelligence et la capacité de réfléchir, de raisonner cette relation. Nous nous sommes aimés. Il n’a plus voulu de notre amour. Il m’a quittée. C’est tellement simple, finalement. Bien sûr je serai déçue et abîmée éternellement par ce que j’ai perçu comme un « échec », un inaboutissement, une interruption brutale et sans espoir de renaissance. La décision m’a échappée ; il ne suffisait pas d’aimer. Il ne suffit jamais d’aimer. Il faut la rencontre, il faut vouloir aller dans la même direction, il faut une concordance rare. Cette fois nous sommes passés l’un à côté de l’autre. Et d’autres fois encore je passerai à côté d’amants superbes, d’amours fous, d’histoires exceptionnelles.

Je suis blessée par l’abandon et par l’inachèvement, mais pour la première fois je ne demande plus : pourquoi ? comment ? Je laisse couler. Je laisse le temps passer. J’attends, oui j’attends encore, mais sans limite, sans date, sans échéance. Je sais qu’un jour il reviendra. Je sais qu’il m’écrira. Je sais qu’il pensera encore à nous. Bien sûr j’aimerais que ce soit vite, j’aimerais m’atteler à la reconstruction de notre amitié, j’aimerais trouver quelque chose de nouveau au travers de l’amitié immense et intime. Mais le temps passera. C’est lui qui décidera. Lui qui m’écrira, qui m’appellera, qui me proposera d’aller prendre un café au Vieux Colombier ou un verre de vin ailleurs. Je lui fais confiance, encore, malgré tout, j’ai confiance dans sa tendresse et son respect. Le temps ne compte plus entre nous. Nous avons gagné l’éternité.

Mon amour.

•6 novembre 2007 • 6 commentaires

Mon Amour,

Parce qu’il ne faudra sauver que ça, parce qu’il ne faudra garder que ça, et parce qu’on fait le choix de ses souvenirs.

Te souviens-tu mon amour de notre rencontre, du rendez-vous anonyme auquel tu avais eu le cran de venir ? Un soir de juin à Mabillon, tu avais été à peine surpris de me voir apparaître, nous nous étions engouffrés sur le boulevard, déjà le bonheur délicat et discret de se trouver ensemble. J’ai bu du vin blanc et toi du vin rouge. Tu m’as parlé du poker, de tes cours, du piano, de la musique classique, de ta rue, de ta famille, d’un voyage dans les Alpes, et je souriais sans cesse en te parlant de ma jument, de l’écriture, du violoncelle, et nos attitudes qui se ressemblaient tant, et tout ce que je commençais à aimer en toi. Mon amour. Tu avais l’exigence qu’on ne rencontre jamais chez les garçons si jeunes. Tu étais magnifique de ta jeunesse, et tu semblais tellement plus engagé qu’eux. Tu étais passionné, absolu, intransigeant, drôle, trop doué à cet âge là. Je n’en pouvais plus de t’écouter. La nuit n’aurait pas dû s’arrêter. J’en voulais à la nuit de nous séparer. Devant le métro tu ne m’abandonnais pas, tu tenais mes mains, et déjà l’impatience de se revoir le lendemain. Se quitter était une douleur.

Dans une cave sombre d’un bar où nous connaissions tout le monde – tout à la fois plus personne – tu m’as embrassée. Non. Tu as écrasé tes lèvres contre les miennes. Ta main est venue dans mon dos me faire ployer contre ta poitrine. J’ai cédé. Je me suis donnée. Immédiatement, j’étais donnée, j’étais tienne, j’étais sans liberté, j’étais ton amante, ton amoureuse, ta femme, ta chérie, je n’existais plus que dans tes bras. Tu m’as suivie, avec ta belle confiance tu m’as suivie, au travers des metros, ta veste de velours et mon trench trop grand. Dans mon appartement. La porte refermée. Tes mais me cherchent, tes mains me déshabillent. Tes mains dégraffent mon soutien-gorge. Tes mains caressent mes seins. Jusqu’aux draps, jusqu’à ton corps allongé sur le mien, ta langue en moi et mes mains sur ton sexe, ton sexe qui vient en moi, la première fois que tu découvres mon corps, tu jouis si vite en moi et je t’aime, à la folie je t’aime, je ne veux plus jamais la séparation, mon corps est sous ton emprise, je n’en peux déjà plus de tant t’aimer, je suis heureuse je déborde d’amour et je tiens ta tête sur ma poitrine, et je te caresse mon amour, et lorsque je m’endors tu me regardes avec mes yeux fermés mon visage reposé ma béatitude de femme amoureuse et aimée. D’autres fois dans ce lit, lorsque nous revenions de la place Clichy, ce lit où nous apprenions l’amour ensemble, l’amour unique que je ne partagerai plus jamais, l’amour comme une découverte, et tes mains qui ont appris mon corps par coeur, tes mains qui m’ont fait jouir, ton sexe dans ma bouche, et tes lèvres dévorées, ta nuque adorée, ton corps entier embrassé, ta peau blanche blanche blanche et je te trouvais si beau. Aujourd’hui encore sans t’avoir vu depuis deux mois, je me souviens de chaque morceau de ta peau, et je t’admire, et je te désire. Puissance des souvenirs.

Un soir je suis venue te retrouver à Saint Germain. Nous étions seuls à partager ton appartement. Nous y avions déjà fait l’amour un matin alors que ta soeur se trouvait dans la pièce d’à côté. Mon Dieu. Tu étais aussi fou que moi mon amour. Le samedi soir tu m’attendais en fumant, tu m’as déshabillée, tu m’as entraînée vers le lit de tes parents, tu m’as fait l’amour tant de fois, j’aurais pu être évanouie dans tes bras, j’étais perdue, perdue en toi, amoureuse, tellement amoureuse, je ne voulais plus jamais te quitter. La douleur de se séparer à chaque fois. Les pleurs le 13 juillet parce que tu ne répondais pas. Les pleurs de te savoir parti en Normandie. Je ne supportais pas ton éloignement. Je ne supportais pas tes silences. Tu repartais à 6h du matin, je t’écrivais à 6h10. Cette nuit dans le lit de tes parents j’ai aimé à la folie ton sexe qui entrait, venait, se retirait, me reprenait, l’amour fou, l’amour fou, comme je t’aimais. M’endormir dans tes bras. Epuisée de tout cet amour. Tu as voulu me réveiller, encore, plus tard, tu traînais dans ton appartement et moi je dormais, tu as voulu me réveiller mais je dormais et tu m’as laissée dormir occupé à me regarder… Dans le lit on a tellement ri. Le matin ? Tu m’as emmenée petit-déjeuner dans la cuisine. Cuisine froide, vide, mais tu étais là, tu faisais chauffer le thé – thé vert volé à ta soeur -, le café, et des pains anglais, et du beurre, et de la myrtille, et bêtement tu faisais des tartines et je te regardais et je t’aimais et je mangeais mes tartines. Tu m’as déshabillée à nouveau. Le gilet, la nuisette. Nue à nouveau, tes bras, me reprendre, m’aimer, me désirer toujours. J’ai pris un long bain. Je me suis ébouillantée. Peau rougie. Nous sommes allés déjeuner au Vieux Colombier. J’imaginais déjà que nous habiterions ensemble, l’an prochain, dès ton retour, à la Madeleine. Je voulais rencontrer ton grand-père. Mon Dieu, ma vie était là offerte, donnée, je ne m’appartenais plus. Folie.

Lorsqu’on dînait chez Al Dente, tu commandais du prosecco et tellement de vin que je disais plein de bêtises. Tu n’écoutais pas, tu m’interrompais en m’embrassant. Tu regardais mes lèvres, mes seins. Tu étais fou de moi. Tu rentrais et tu écrivais : mon amour, je tombe amoureux de toi, c’est trop parfait, je ne peux pas parce que je m’en vais. Mais j’avais tellement confiance en nous. Tellement confiance en notre amour. Quelle importance que tu t’en ailles à quelques heures de train, je m’imaginais venir chaque mois, te retrouver, t’aimer, t’apporter le bonheur de notre amour, t’accompagner. Tout me semblait facile, évident. Je n’ai jamais vu la difficulté. Je ne comprenais pas tes réticences. En sortant du restaurant dans la rue devant les flics on s’embrassait, on passait nos mais sous les pulls, on se touchait, tu écartais mon soutien-gorge, tu déboutonnais mon jean. En pleine rue, mon amour.

Au tout début de septembre, tu es venu à Paris. Je portais la robe rouge en laine. Les chaussures gris souris à très hauts talons. Je t’attendais devant l’église de Saint Germain. J’attendais mon amour, la seule personne que je verrais parmi la foule, la seule personne à habiter mes yeux, à peupler mon existence. Tu remplissais mes jours, mes nuits. Tu es arrivé en traversant le carrefour, ton costume parfaitement coupé, la chemise à rayures bleues et blanches, l’élégance insolente de tes dix-neuf ans, nous avions l’arrogance des amants, le monde à nos pieds, nous avions l’impertinence que donne l’amour, nous étions seuls à Paris, seuls dans la ville, seuls dans les cafés, nous étions amants. Tu m’as emmenée au Flore. Je refusais d’y mettre les pieds. J’ai adoré y boire du vin blanc, du thé glacé. Tes yeux dévoraient mes seins. On fumait des Dunhills, des Lucky, on fumait tout le temps et on adorait ça. Dans l’impasse des Quatre Vents, tu m’as appuyée contre un mur, tu as ouvert mon jean, relevé ma robe, tu as glissé ta main et je me suis évanouie de toute cette jouissance. Je tombais dans tes bras. Tu me retenais, tu murmurais « ma chérie ». Ta chérie, oui. Je ne vivais plus que pour toi. Alors quand tu m’as quittée, je ne vivais plus.

Je ne vivais plus, et je ne sais pas si je vis à nouveau. Il paraît que oui. Il paraît que l’amour n’est pas tout. Il paraît que je ne dois pas me laisser abattre. Il paraît que je dois être forte, avoir confiance, laisser le temps faire son oeuvre. Moi je ne me sens plus exister, mais d’accord. Je ne me remettrai jamais de l’amour disparu, du plus bel espoir de ma vie réduit en morceaux, détruit pour une raison qu’on ne connaîtra jamais. Le champ des possibles s’est refermé. J’ai été heureuse à l’infini ; je ne le suis plus du tout. Je suis triste, j’ai mal, je t’aime, tu n’es pas là, tu es absent.

A Londres encore, alors que soi-disant tu ne m’aimais plus, alors que tu m’avais quittée, alors que tu étais gêné par le moindre frôlement de mon genou contre ta jambe – tu m’as fait l’amour comme personne ne connaîtra jamais. Ton sexe dans ma bouche, ta bouche entre mes jambes. J’ai bu ton corps entier. La jouissance dans ma bouche. Qui saura ça, qui saura un jour la jouissance de toi en moi, qui saura le plaisir innommable, l’abandon indicible, le désir irrépressible, la perte en toi ? Et tu ne m’aimais plus ? Tu m’aimais. Tu avais peur de mon amour fou mais tu m’aimais. Tu me déshabillais. Tu voulais mon corps. Tu dormais encore, et ton corps me réclamait. Ton désir appuyé contre moi dans les draps le matin très tôt, malgré toi tu me voulais. Ensemble nous avons marché dans Londres, regardé les Rothko et les Newman, mangé des machins caribéens et libanais, ri avec Silvia et Feder, et je crois qu’on s’aimait. Je crois que le souvenir de ce moment de l’amour ne s’effacera jamais. Que tu ressentiras toujours cet amour comme je le ressens. Je pense aussi aux conversations la nuit, les conversations écrites, celles qui nous faisient jouir quand la distance nous séparait, quand je réclamais ta bouche sur mes seins, ta main en moi, tes lèvres, ton visage, tes cils plus longs que les miens, ta bouche rouge, ta peau blanche, tes hanches marquées de stries plus claires, ton ventre fin et creux, ta poitrine pour y dormir, tes bras pour m’y engouffrer, mon amour tu me manquais tant, mon amour j’étais hystérique la nuit sans toi, et je te voulais, je te réclamais, je voulais te rejoindre.

Dans ton ordinateur il y a des photos de moi nue. Au pied de ton lit il y a Le Rouge et le noir. Quelque part une lettre de moi. Dans ton agenda, j’ai marqué chaque date importante. La lettre porte mon parfum que tu respirais en fermant les yeux. Et moi je me souviens encore de l’odeur de ta peau. Je regarde chaque homme en pensant à toi. A l’élégance et à l’exigence qu’ils n’ont pas. Au regard qu’ils me portent et qui n’égalera jamais le tien. Je vivais dans tes yeux. Je vivais dans notre amour. Tout le reste venait ensuite, légèrement, simplement, tout le reste suivait. Je t’aimais, tu m’aimais, rien ne pouvait nous arriver. J’étais inatteignable. J’étais intouchable. J’ai oublié que l’attaque pouvait venir de toi.

Mon amour, tu as été le garçon le plus exceptionnel de mes années d’amour. Tu as été le dépassement des idéaux qui me nourrissaient. Tu as été ma plus belle passion. Ma vie, mon amour, ma douleur. Je t’ai aimé, je t’aime encore, je serai toujours ton amoureuse, ton amante, la première femme à t’avoir aimé. Je ne me sentirai jamais appartenir à quelqu’un d’autre. Je n’appartiendrai plus à personne. Je me suis donnée à toi, et tu ne m’as pas rendue à moi-même. J’écris des choses folles, je suis folle, folle de toi, je suis névrosée si tu as envie de prononcer ce mot-là. Je sais que je ne fais que t’aimer.

Parce que je t’aime mon amour, je te laisse t’en aller. M’abandonner. M’ignorer. Je te laisse tout emporter, tout détruire, je te laisse mon bonheur pour que tu trouves le tien. Je te laisse m’oublier et être heureux au travers de cet oubli. Tant pis si je suis triste pour toujours, si je n’oublie pas ton corps, si je rester marquée au fer rouge par toi et ton amour. Tant pis. C’est mon dernier don pour que tu sois heureux. Mon amour. Personne ne t’aura jamais aimé comme moi. Je resterai la seule à t’avoir aimé. Je suis l’amante éternelle du sommeil et des souvenirs que l’on n’effacera pas.